jeudi 12 janvier 2012

VOUS AVEZ DIT TAILLEBOUDIN?



C'est le chapitre VIII des Propos Rustiques.


Fils indigne de Thénot du Coing, après la mort du bonhomme, il s'empresse de tout dilapider, pour devenir "bon et sçavant gueux". Il vendit tout pour être riche, car disait il "pensez vous que je veuille me damner pour les biens de ce monde?"



Tout son trésor se résume à trois dés, une raquette et une boite d'onguents...



Car son "truc" c'est de vivre de mendicité, de faire la manche, d'apitoyer sur son sort en se simulant chancres et autres ulcères, tous plus hideux les uns que les autres, mais qui lui font espérer quelques piécettes...Fainéant, il compte vivre de la pitié d'autrui et du labeur des autres, "je ne me soucie pas de planter, semer, moissonner, vendanger. J'ai tant de gens qui font cela pour moi", se plaît il à déclarer. Membre de la confrérie des gueux, dont l'illustre Ragot fut jadis le capitaine, il se trouve heureux de sa condition, et en vante les avantages: il parle d'une femme au visage mutilé qui mendie à Angers, qui chante comme une sirène, et qui lorsqu'elle est de retour de son "travail" déclare gagner plus que le meilleur artisan de la ville, de quelque métier qu'il soit....



Et comme pour convaincre son interlocuteur ne dit il pas "Je ne donnerai pas mon gain et les autres émoluments du fief pour cent bonnes livres tournois, barbe rase et pied ferrat!"



"Regarde cette énorme plaie sur ma jambe. Ne me jugerais tu pas plus près que loin de la mort? Pourtant en un instant j'aurai ôté tout cela, et je serai aussi gai et décidé que toi. Car voila ma boite avec mes onguents; ceci pour la jambe; pour le visage un peu de soufre préparé comme chacun sait".


Mais son coup de maître, c'est dit il cette année, qu'usant d'une très grande ruse, il l'a réalisé...


Accompagné d'une garce et de deux petits enfants, il se fait passer pour un bourgeois en fuite spolié par la guerre. Avec pleins de muguets aux trousses, la faisant passer pour sa fille, "elle qui connaissait très bien son rôle, contrefaisait la pucelle, quoiqu'elle eut couru tous les bordels de France, et leur accordait ses faveurs moyennant une bonne somme, qu'ils avançaient".


"...en faisant semblant toutefois devant moi, de n'y avoir jamais touché pour donner meilleure apparence à la farce!"

On la poursuivait tellement d'assiduité, dit il fièrement que je la donnai "à un gros chanoine qui me la paya ce que je voulus".


Et comme je voulais m'en aller, je la lui repris, "et la vendis par ce même moyen à plus de quinze hommes qui tous eurent la vérole".


Joli tableau que celui de ce Tailleboudin, personnage de la Cour des Miracles, que du Fail, sous le couvert d'Anselme, déclare avoir croisé à Paris lorsque étudiant, il hantait les lieux mal famés de la capitale sur les traces de François Villon...

jeudi 1 décembre 2011

Du Fail dans les guerres d'Italie











Gravure de Hans Holbein le jeune


Après ses aventures parisiennes où son addiction au jeu était venu à bout de ses économies, Noël du FAIL se voit contraint de fuir sans le sou, n'osant s'en retourner au berceau familial en Bretagne. Nous sommes fin 1543.


Les mémoires de Martin du Bellay nous apprennent qu'on fit effectivement à cette époque des levées de gens de "pié" pour les besoins de la campagne du Piémont.



"De ce pas, m'en allay aux bandes de gens de pied en Piedmond, où j'eu du mal comme un jeune diable bachelier et botté", nous dit il dans Eutrapel (II, 203).


L'on apprend ainsi qu'il a du obtenir son baccalauréat, malgré ses frasques estudiantine.
Pour une fois, car ce n'est pas son habitude, lui qui a pris le parti de mener ses lecteurs dans un labyrinthe, il nous parle avec précision d'un fait historiquement précis et vérifiable, ce qui nous permet d'affirmer qu'il se rendit en Italie, et qu'il assista et sans doute participa à la bataille de Cérisoles du 14 Avril 1544, en Piémont.



Il nous évoque "la charge foudroyante des quatre vingts hommes d'armes avec leur haut appareil et chevaux bardez du seigneur de Boutiers Dauphinois"(II, 11)



Et plus loin dans Eutrapel, se dissimulant faussement sous les propos de Polygame, il nous indique qu'il a franchement participé à ces combats :
"Jamais à la bataille de Cérisoles où je fus sous la charge du Capitaine la Mole , qui y demeura, ne furent trouvez tant de corselets, arquebuses, piques, morions et halebardes des Impériaux es parses cy et là".
Ce capitaine sous les ordres duquel il combattit, y laissa la vie.



Cette anecdote se différenciant bien de la précédente, où il ne fait que relater ce qu'il a vu, puisque M. de Boutières commandait une troupe de cavalerie, alors que du Fail ruiné n'avait pas même pu s'acheter une monture pour rejoindre l'Italie.



Ce brave Boutières (1492-1545), parent et fidèle ami de Bayard, est à ses côtés dans les guerres d'Italie, et se trouve présent en 1527 dans une déléguation envoyée par François Ier à Londres, pour conclure une alliance avec Henri VIII contre Charles Quint.


C'est à lui qu'est attribué la victoire de la bataille de Cérisoles.

Ainsi, se résume son périple au delà des Alpes. Il ne nous en dit pas plus que cet épisode belliqueux, et de ce qu'il a pu découvrir ou voir de la Péninsule...



Il remonte péniblement vers Château Letard, et au bout de ses "finances et finesses", - celles qu'il avait apprises en fréquentant les bélitres et filous du coeur de Paris -, il avance petit à petit vers son manoir natal.


Comme l'accuse Lupolde: "En retournant et revenant en ça, avois tu pas le bras gauche plus long que l'autre de demy pied, ratiocinant et haranguant par ces villages aux bonnes femmes, leur contant tes infirmitez?"
Sans doute, du Fail confesse t-il avoir du se "débrouiller", mais au moins et c'est cela sur lequel il met l'accent, car celà fait pour lui toute la différence avec Lupolde, ce roturier, facilement froussard, a t-il conservé son honneur et ce qui symbolise son statut, son épée et sa dague.


"Ce n'est pas comme toi, dit il à Lupolde, qui vendit dès Palaiseau, ton braquemard revenant de Paris, lors que la peur vint s'y loger à l'enseigne de l'armée de l'Empereur Charles le Quint".


C'est tout ce que nous pouvons déduire de son Eutrapel sur son premier périple en Italie. Mais incontestablement il avait beaucoup vu, beaucoup regardé et assurément son bagage culturel allait s'en trouver enrichi.

mercredi 19 octobre 2011

REPONSE A L'ENIGME...



Ces quelques vers... bien verts, sont de Mellin de Saint Gelais, contemporain et ami de Rabelais. Ce poète et médecin comme lui, qu'il rencontra en 1523, descendait d'une illustre famille. Originaire d'Angoulême, alter ego du maître, mais bien moins connu que lui, il fut aussi rabelaisien que son modèle, adepte comme lui de la dive bouteille.



Voyageur, excellent cavalier, Rabelais croisa son chemin alors qu'il était moine chez les Franciscains.



Mais celà aurait très bien pu être du Noël du Fail...

samedi 15 octobre 2011

UNE AUTRE DEVINETTE POUR LES AMATEURS DE LITTERATURE...FACETIEUSE!



De qui est donc à votre avis cette petite tirade gaillarde?







"Un jour que Madame dormait,
Monsieur branlait sa chambrière,
Et elle qui la danse aimait,
Remuait fort bien le derrière.

Enfin, la garce toute fière
Lui dit:
Monsieur, par votre foi,
Qui le fait mieux,
Madame ou moi?

-C'est toi, dit il, sans contredit.
-Saint Jehan, dit elle, je le crois
Car tout le monde me le dit."

Amis à vos mémoires, n'est elle pas pleine de charme cette vieille langue françoise?
Et comme sans vulgarité de gauloises choses peuvent être dites...

samedi 8 octobre 2011

BANQUET RUSTIQUE



Le chapitre III des Propos Rustiques dépeint bien l'atmosphère des campagnes et la bonne humeur qui unissait à l'occasion en ces temps anciens, le peuple des campagnes de Haute Bretagne. C'est un tableau que peint avec talent notre ami.


Un banquet rustique assemble hommes et femmes, jeunes et vieux autour de vastes tablées. Il est bien sûr, marqué du sceau de la simplicité, car sont inconnus "poivre, safran, gingembre, canelle, myrabolans de Corinthiace, muscade, girofle et autres semblables rêveries transférées des villes en nos villages". Mais la nourriture est abondante et le vin ne manque point.



Tous sont attablés dans la bonne humeur, y compris Messire Jean, "curé de nostre paroisse, étant au haut bout ( car à tous seigneurs, tout honneur), haussant les orées de sa robe, tenant un peu sa gravité, interprétant ou l'Evangile du jour, ou donnant quelque bonne doctrine, ou bien conférant avec la plus ancienne matronne près de lui assise".


Ce bon prêtre parle de tout avec grande compétence, et ses propos sont accueillis avec une admiration religieuse et naïve par ses paroissiennes.


Mais voici que le repas se termine.


L'un tire un rebec, l'autre un hautbois, celui là un chalumeau, et l'on commence à danser "ribon ribaine".

Les vieux donnent l'exemple "sans beaucoup fredonner des pieds", et la jeunesse, elle, mène à grand galop, et "lorsque la fumée du vin commence à embureloquer les parties du cerveau , quelque bonne galloise mêne la danse par sur tables, bancs et coffres".


Même Messire Jean le curé, s'y met après s'être fait un peu prier, et " n'y en en avait que pour lui, car lui, frais et possible amoureux, contournait ses commères!"


Enfin la danse finie, "tous recommencent à dringuer, et boire haut et net, sans se blesser".


A cette époque, le fait pour un prêtre de danser avec ses paroissiennes n'avait rien d'inconvenant et ce n'est, nous dit Emmanuel Philipot, qu'au début du XVIIème siècle que la grande réforme va faire défense expresse aux curés de "hanter" les danses, comme en témoignent les statuts synodaux de Saint Brieuc en 1606, ou ceux de Saint Malo en 1620.



REPONSE A LA QUESTION...



Tout comme François Rabelais qui signe Alcofribas Nasier, Noël du Fail a publié ses trois recueils qui constituent ses "Oeuvres Facétieuses" sous un anagramme. En fait plusieurs anagrammes...
Les Propos Rustiques ont été écrits par "Leon Ladvlfi", et son epistre au lecteur auquel il dit "salut" par Maistre LEON LADULFI.
De même ses Baliverneries parues un an plus tard, et nommées aussi "Contes nouveaux d'Eutrapel", sont elles signalées par "autrement dit Léon Ladulfi".

Mais du Fail troquera ce pseudonyme à la fin de sa vie, puisque dans une note manuscrite qu'il a laissée sur un manuscrit du XIII ème siècle, qui lui avait été prété par un de ses amis, le seigneur du Bordage, il signe en 1578 avec "Le fol na Dieu".



Ce manuscrit fort ancien, constitué de 272 feuilles sur parchemin, calligraphié en minuscules gothiques à 3 colonnes de 45 lignes chacune, ornées de lettres historiales enluminées, qui conte "Lestoire del Saint -Graal, la vie de Merlin, et Lancelot du Lac", est un des trésors de la Bibliothèque de Rennes actuellement.


Cette note autographe, parfaitement lisible encore, nous permet de connaître l'écriture, et la signature de notre ami, témoignage émouvant pour nous...

jeudi 6 octobre 2011

DEVINETTE...



Sous quel pseudonyme Noël du FAIL s'est il fait connaitre, à sa première parution?