C'est le chapitre VIII des Propos Rustiques.
Fils indigne de Thénot du Coing, après la mort du bonhomme, il s'empresse de tout dilapider, pour devenir "bon et sçavant gueux". Il vendit tout pour être riche, car disait il "pensez vous que je veuille me damner pour les biens de ce monde?"
Tout son trésor se résume à trois dés, une raquette et une boite d'onguents...
Car son "truc" c'est de vivre de mendicité, de faire la manche, d'apitoyer sur son sort en se simulant chancres et autres ulcères, tous plus hideux les uns que les autres, mais qui lui font espérer quelques piécettes...Fainéant, il compte vivre de la pitié d'autrui et du labeur des autres, "je ne me soucie pas de planter, semer, moissonner, vendanger. J'ai tant de gens qui font cela pour moi", se plaît il à déclarer. Membre de la confrérie des gueux, dont l'illustre Ragot fut jadis le capitaine, il se trouve heureux de sa condition, et en vante les avantages: il parle d'une femme au visage mutilé qui mendie à Angers, qui chante comme une sirène, et qui lorsqu'elle est de retour de son "travail" déclare gagner plus que le meilleur artisan de la ville, de quelque métier qu'il soit....
Et comme pour convaincre son interlocuteur ne dit il pas "Je ne donnerai pas mon gain et les autres émoluments du fief pour cent bonnes livres tournois, barbe rase et pied ferrat!"
"Regarde cette énorme plaie sur ma jambe. Ne me jugerais tu pas plus près que loin de la mort? Pourtant en un instant j'aurai ôté tout cela, et je serai aussi gai et décidé que toi. Car voila ma boite avec mes onguents; ceci pour la jambe; pour le visage un peu de soufre préparé comme chacun sait".
Mais son coup de maître, c'est dit il cette année, qu'usant d'une très grande ruse, il l'a réalisé...
Accompagné d'une garce et de deux petits enfants, il se fait passer pour un bourgeois en fuite spolié par la guerre. Avec pleins de muguets aux trousses, la faisant passer pour sa fille, "elle qui connaissait très bien son rôle, contrefaisait la pucelle, quoiqu'elle eut couru tous les bordels de France, et leur accordait ses faveurs moyennant une bonne somme, qu'ils avançaient".
"...en faisant semblant toutefois devant moi, de n'y avoir jamais touché pour donner meilleure apparence à la farce!"
On la poursuivait tellement d'assiduité, dit il fièrement que je la donnai "à un gros chanoine qui me la paya ce que je voulus".
Et comme je voulais m'en aller, je la lui repris, "et la vendis par ce même moyen à plus de quinze hommes qui tous eurent la vérole".
Joli tableau que celui de ce Tailleboudin, personnage de la Cour des Miracles, que du Fail, sous le couvert d'Anselme, déclare avoir croisé à Paris lorsque étudiant, il hantait les lieux mal famés de la capitale sur les traces de François Villon...