mercredi 28 septembre 2011

Les Baliverneries d'Eutrapel







La découverte d'un mot...


Si les Baliverneries d'Eutrapel publiées en 1548, sont la seconde production de du Fail, ce qui en fait, entre autres l'originalité, c'est qu'elles créent et mettent à la mode un nouveau substantif, qui est parvenu jusqu'à nous et fait partie de notre parler quotidien.





Petite histoire de cette invention de du FAIL, à l'intention des curieux...


Des trois personnages qui animent et donnent matière aux Baliverneries et aux Contes et Discours, c’est Eutrapel, sans doute aucun, dans lequel s’incarne Noël du Fail.

Si Polygame, Lupolde, et Eutrapel n’apparaissent que dans les Baliverneries, publiées un an seulement après les Propos Rustiques, soit en 1548, l’esprit facétieux de leur auteur se manifeste dès 1547, ce qui avait conduit Jean Assézat, l’éditeur de la Bibliothèque Elzévirienne, qui au XIXème siècle republia et remis au goût du jour les écrits de du Fail, à regrouper les trois recueils sous le vocable commun d’Oeuvres Facétieuses.
Dans ces Œuvres Facétieuses, la facétie, art de la parole, fort à la mode dans les ouvrages de savoir-vivre et de conversation de la Renaissance Italienne, qui consiste par un récit bref et spirituel autour d’un bon mot ou d’un bon tour, à faire rire, traduit la bonne humeur d’Eutrapel, son caractère enjoué et franchement gai.

Ce terme de « facétie », bien que n’ayant pas été utilisé par du Fail, ni dans ses Propos Rustiques, ni dans les Baliverneries, ne lui était sans doute pas inconnu, puisque présent dans la langue française depuis la traduction par Guillaume Tardif des Facéties du Pogge, avant 1496. Le manuscrit de Turin date de 1457, mais ce n’est que de 1470 que datent les premières éditions posthumes. Son auteur insistait sur la nécessité « d’arracher parfois notre esprit à ses habituelles préoccupations et aux fatigues qui l’accablent en l’égayant par quelques joyeux délassement ».
Plutôt que de reprendre cette traduction venue de l’italien, Noël du Fail préfère forger un mot neuf, dont aujourd’hui, on lui attribue la paternité : « baliverneries ».
Le verbe qui en découle, « baliverner », serait d’après le Dictionnaire des étymologies obscures, de Pierre Guiraud (1982), un composé tautologique de « baller » - tourner en dansant- et de « verner », - tourner sur soi même, virevolter -, qualifiant ainsi l’humeur et le mouvement incessant de son personnage.
« Il n’avoit jamais l’oeil en un lieu, ains inconstant et vague » (Chap. I)
Ce terme ainsi élaboré, se veut l’équivalent bien français de la facétie, portant comme lui au rire, comme dans le chapitre IV où Polygame et Eutrapel se retrouvent « tousjours balivernans et rians du meilleur de la ratelle ».

Le mot même de « facétie » ou l’adjectif « facétieux » se retrouvent seulement trois fois dans les Contes et Discours, à travers des anecdotes où le style du récit est plus proche du foisonnement rabelaisien, que de l’art de la pointe dont faisait preuve le Pogge pour brosser ses métaphores.
C’est de son naturel, - il en parle à sept reprises dans les cinq pages de sa Préface-, qui est de « follastrer, rire et escrire des choses de mesme », dont il veut nous entretenir.


Et « il faut premier en dire de vertes et de meures, ensemble baliverner, de sorte qu’avec le temps on puisse parler à bon escient » (p.6), façon de nous dire qu’un esprit équilibré et sain se doit de savoir rire pour mieux pouvoir raisonner.


Pour un auteur du XVIème siècle, voilà une belle preuve de modernité!


















lundi 26 septembre 2011

Un lieu d'histoire devenu une remise agricole...






Jusqu'en Avril 2003, l'endroit où vint au monde celui que la postérité reconnait sous les traits d'Eutrapel, celui qui est gai, enjoué, il y a bientôt cinq siècles!, servait de remise agricole, abandonné, délaissé, oublié... L'eau s'infiltrait dans les murs par une couverture hors d'âge, soutenue par une charpente de beau chêne encore, mais à bout de souffle. Les murs gonflés d'eau prenaient du ventre et l'ensemble menacait ruine...


Mais le destin en avait décidé autrement. Quelque part, un que rien ne prédisposait à un tel challenge, allait croiser son si long chemin de solitude, allait s'y attacher et le faire revivre. Car il était dit, il était écrit que les choses n'allaient pas s'arrêter là. Renaître, repartir, être le lieu où la mémoire de son enfant chéri allait pouvoir s'ancrer, tant de choses encore étaient à dire, à vivre entre et par ces murs... Petit certes il était, mais beau, harmonieux se savait il être, comme ce jour où l'illustre érudit de la Bretagne, Arthur de la Borderie, à la fin du XIXème siècle, avait complimenté Joseph des Boüillons, le propriétaire d'alors, qui l'avait restauré, constatant qu'il l'avait été "dans le plus pur goût du XVème siècle"!


Fier de sa gerbière en tuffeau aux cannelures ioniques datée de 1620, assis sur une terre que la mémoire des hommes faisait remonter à 1342 à Guillaume de Chasteaulestart, fils d'Aliette le Laboureur, bâti à côté de l'emplacement d'un castel fortifié dont des vestiges à l'architecture gothique remontent manifestement à l'époque médiévale, comment se faisait il qu'aucun regard ne se soit attardé sur lui? Il avait tellement de choses à dire, à transmettre, son histoire était si riche, et bien que n'ayant jamais été qu'une modeste seigneurie rurale au droit de basse justice, il avait couvé, vu naître et grandir un que la mémoire des hommes ne devait pas oublier. Noël du Fail, juriste et parlementaire parmi les plus honorables de son époque, qui avait rédigé un receuil des plus notables et solennels Arrests du Parlement de Bretagne en trois Livres, somme jurisprudentielle qui fera référence jusqu'à la Révolution, cachait un tempérament gaillard, riche d'une forte sève, qui le fera s'inscrire dans le sillage du grand François, son ainé Alcofribas Nasier, l'inclassable et génial Rabelais, passant à la postérité par ses Oeuvres dites Facétieuses.


Comment pouvait il se faire qu'on le laisse à l'abandon, et que les yeux ne se portent que sur le beau château tout proche, commandé par Joseph des Boüillons, et réalisé par Arthur Regnault en 1866?


Mais le jour où tout devait basculer advint...


Il n'y croyait plus, mais sa bonne étoile veillait... Et c'est par un beau jour d'Avril 2003, que Cupidon devait tirer sa flèche. Nos destins se croisèrent, la magie opéra, et nos deux vies en furent boulversées... Quel beau chambardement, que de pain sur la planche, mais que d'enthousiasme, que de projets, que de bonheur. Il était dit qu'un jour nous nous trouverions, et qu'une nouvelle page de cette si longue histoire devait être écrite. Et que ce serait une si belle aventure...


Il y a toujours une certaine indécence à parler de choses fortes, intimes en quelque sorte, lorsque c'est le plus profond de soi même que l'on y met. Alors nous arrêterons nous là. Lecteur, pardonnes nous. Mais l'histoire de cette demeure, qui croise l'Histoire de la Bretagne et de ses illustres enfants, et qui croise notre petite histoire personnelle, mérite d'être contée, offerte en quelque sorte à ceux dont le coeur sait s'ouvrir et rêver... Comme dans un conte de fées.




Un ami par trop inconnu...et pourtant!



Noël du Fail sans vous en rendre compte, c'est bien souvent qu'il croise vos vies...



Nous voudrions par les quelques lignes qui suivent, montrer que du FAIL fait toujours partie de notre quotidien, sans que nous en ayons conscience réellement, à travers ce qui jalonne notre vie de tous les jours, et nos activités les plus banales.

Au fil du temps, malgré les quelques quatre siècles qui nous séparent de son passage ici bas, la mémoire collective de notre ami s’est plu à garder de façon très variée l’empreinte de l’influence qu’il a eue sur cette terre de Haute Bretagne qui l’a vu naître.

Attachant son nom à des lieux qui nous sont familiers, les élus, les responsables locaux honorent sa mémoire en nous amenant à prononcer ce patronyme, qui pour beaucoup d’entres vous qui aurez parcouru ce livre, prendra une autre dimension.


Si bien sûr SAINT ERBLON, paroisse qui le vit venir au monde, a une rue NOËL DU FAIL, il faut savoir que VERN / SEICHE, où il reçut dans son jeune âge, les leçons du docte sophiste l’abbé CAILLARD, qui le « pourvut d’un assez bon commencement aux lettres », tout comme PLEUMELEUC, paroisse sur le territoire de laquelle se trouvait son manoir de la HERISSAYE, « l’autre manoir de son cœur », n’ont pas manqué de lui rendre hommage.

La ville de RENNES ne pouvait pas ignorer celui qui fut un des membres les plus éminents de son Parlement, et qui a publié un recueil d’Arrests qui est resté pendant près de deux siècles, une compilation de référence faisant autorité en matière de jurisprudence auprès de ses pairs, baptisant de son nom une rue perpendiculaire au Boulevard de CHEZY coté canal d’Ille et Rance, et débouchant sur la rue de DINAN à l’Est.

Il est plaisant également de constater que CHÂTEAUGIRON n’a pas oubliée que le fief des du Fail provenait d’un premier partage de la seigneurie de Châteaugiron au XIVème siècle, et dont la mémoire est aussi conservée par deux indications de lieux dits à l’entrée Ouest de la Cité en venant de Vern, signalées « le Haut FAIL » et « le Bas FAIL », terres d’où étaient originaires les ancêtres de nos amis de CHÂTEAU LETARD.

Témoins du souvenir encore bien vivace du seigneur de la Herissaye, les Cités de CHARTRES de BRETAGNE, PACE et BRETEIL, ont voulu immortaliser pour la postérité cet exceptionnel peintre des mœurs de son temps que fut notre « Rabelais » breton.

De manière encore plus significative, car concernant la jeunesse, tous ces petits bretons qui prononceront souvent un nom dépourvu de sens pour eux vu leur jeune âge, diront un jour avec fierté ayant appris l’histoire de leur école, qu’ils ont fréquenté l’Ecole Maternelle NOËL du FAIL à VERN/ SEICHE, établissement actuellement en cours d’extension, et en passe de devenir le Groupe Scolaire homonyme.


De même la ville de GUICHEN, s’honore d’avoir baptisé son important collège du nom de celui qui nous tient à cœur, preuve s’il en était besoin qu’il vit encore à travers toutes ces jeunes pousses qui grandissent à l’ombre bienveillante de son patronyme, gardant vivace son souvenir.

Pour rester dans les hommages rendus par les municipalités, signalons que VERN a cru bon aussi de nous faire souvenir que le Père CAILLARD, recteur nommé par l’Abbaye Saint Melaine dont dépendait cette cure, a joué un rôle non négligeable dans l’éducation de notre jeune ami, avant qu’il « monte » à Paris.


Dans un ordre d’idée tout à fait différent, nous ne pouvons passer sous silence la création depuis peu, d’un Trophée NOËL DU FAIL destiné à distinguer dans le domaine culinaire, les meilleurs Maîtres crêpiers de Bretagne, symbole d’excellence de la restauration traditionnelle à base de sarrazin de notre terroir.

Des Citations et autres aphorismes tirés des écrits de du FAIL, sont toujours aujourd’hui d’actualité et mis en avant pour illustrer ou dénoncer tel ou tel contexte.

Ainsi, la Revue PRESCRIRE, publication médicale de référence dans l’étude des substances médicamenteuses, s’appuie t-elle dans son numéro 301 de Novembre 2008 sur une maxime tirée de du FAIL pour son éditorial :
« Quand la bourse se rétrécit, la conscience s’élargit ».

L’Almanach des Postes de 1978, rappelle à ses lecteurs sur son calendrier traditionnel :
« Jamais bon cheval ne devient Rosse ».

De façon plus gauloise, dans la veine de « l’œuvre facétieuse », nous découvrons que le Dictionnaire érotique d’Alfred DELVAN, appuie sa définition du « Cabinet » :
« La nature de la femme, où l’homme fait ses nécessités amoureuses,- ce qui donne à ce cabinet une odeur de sui generis fort agréable-, quoique un peu violente », par une observation bien rabelaisienne de la plume de notre ami :
« Le jardinier voyant et trouvant le cabinet aussi avantageusement ouvert, y logea petit à petit son ferrement ! ».

De ci de là, la pensée de du FAIL réveille, à l’instar des Maximes de la ROCHEFOUCAULT ou des Pensées de la BRUYERE, l’humeur des éditorialistes en tous genres :
« Marchandise offerte est à demi vendue »
« A quelque chose malheur est bon »
« A trompeur, trompeur et demi »…
témoignages de l’intemporalité de ses réflexions sur la nature humaine, et de leur universalité.

Quand ce n’est pas l’Avocat Général à la Cour de Cassation, qui lors de son discours d’audience solennelle de rentrée en 1917, s’adressant à ses collègues, pour honorer la mémoire de ceux des leurs récemment disparus, qui se réclame de du FAIL, sacralisant la fonction de magistrat en ces termes, parlant de la conception d’un de ses pairs en la matière :

« Quand on est un haut magistrat, il faut dire adieu au monde et à la vie frivole. Il faut renoncer à l’art, à la littérature, à tout ce qui peut vous distraire ou vous détourner du devoir»

L’auteur du discours se plait à rappeler à son auditoire les magistrats du temps jadis :

« A toi, NOËL DU FAIL, conseiller au Parlement de Bretagne, auteur très facétieux des Contes et Discours d’Eutrapel ! , A toi, La Mothe le Vayer, substitut du Procureur Général au Parlement de Paris, auteur de tant d’œuvres satiriques et du Dialogue sur les Rares Qualités des Asnes de ce temps !, A toi, Montaigne, pour tes Essais immortels , et ton ami La Boëtie, vous qui fûtes avec Montesquieu , l’honneur du Parlement de Bordeaux !, A toi, Rotrou , A toi, Corneille ! »




Dans la rue ou sous les ors des Palais de Justice, chez le simple citoyen, dans les cours de récréation des écoles, dans la futilité de nos propos quotidiens comme dans les allocutions officielles des personnages de la République, ta mémoire, mon cher Noël, n’est pas prête de
vaciller…
Si par ce travail, j’ai un temps soit peu contribué à l’entretenir, j’en serais heureux…
Dors tranquille, tu vis toujours à travers ceux qui disent ton nom…









"Puys qu'ainsi est"...

Création d'une Association




Afin de faire vivre la demeure natale de Noël du Fail, comme nous le pensons, il lui eût plu de la voir s'animer, est créée l'Association "Les amis d'Eutrapel", dont le but est d'entretenir la mémoire du "Rabelais breton", et de contribuer par tous moyens à faire connaitre et apprécier l'oeuvre littéraire de cette figure attachante de la littérature facétieuse du XVIème siècle en Haute Bretagne.



Son but est de permettre qu'à travers des manifestations évoquant sa vie et ses écrits, il prenne la place qui lui revient dans la littérature du XVIème siècle, et de faire vivre sur le plan culturel son manoir natal, en lui donnant les moyens de rayonner "noblement", en préservant tant l'esprit des lieux, que de celui qui y vit le jour, il y à bientôt 500ans...