lundi 3 octobre 2011

L' ESPRIT DES PROPOS RUSTIQUES



La première production de du Fail, celle de sa jeunesse pourrait on dire, -il n'avait sans doute pas encore la trentaine-, est celle qui est considérée aujourd'hui comme la plus représentative de ses écrits, et même pour certains comme son chef d'oeuvre.


Erudit et au fait des auteurs de son temps, du Fail avait lu les oeuvres de ses devanciers comme de ses contemporains. Il connaissait fort bien Pantagruel et Gargantua, mais les Propos Rustiques qui sont antérieurs au Tiers et au Quart Livre, ne peuvent être suspectés d'avoir été inspirés par son aîné tourangeau.


L'originalité de l'ami Noël réside en ce qu'il a élu le cadre paysan de son terroir comme théâtre des scènes qu'il dépeint et des anecdotes qu'il narre. Ce faisant il se situe dans le droit fil d'un Charles Estienne, auteur de "Praedicum rusticum" ouvrage sur la maison rustique, qui rencontra un succès considérable dans la seconde moitié du XVIème siècle, puisqu'ayant connu pas moins de 79 éditions entre 1564 et 1617!


L'époque était donc bien celle d'un intérêt étonnant pour les choses de la campagne, mais à dire vrai les propos qui sont rapportés, bien que réalistes, paraissent bien peu paysans, notamment dépourvus de ces locutions coutumières aux gens du cru. C'est en bon français, sans traces de patois, que du Fail fait s'exprimer ses robins. Autant dire que l'on sent bien que du Fail met ses propres idées dans la bouche des devisants, de plus en idéalisant leur condition, où l'on voit les rustiques faire eux même l'éloge de leur mode de vie, car disent ils, demandez où souhaitez vous plus salutaire et plus libérale vie que la nôtre?


La vie champêtre leur fait il dire, est seule capable de produire des hommes libres et sobres? Rien ne vaut les délices des champs, comme le chante l'ouvrage de l'espagnol Antoine de Guevara sous le titre du "Mépris de la Cour et la louange de la vie rustique", qui semble avoir été un des livres de prédilection de du Fail.


Les "païsans" doivent se contenter de ce qu'ils sont, ne point avoir d'ambition, ne pas aspirer à d'autres métiers, et même ne pas songer à agrandir leur domaine, ainsi sauvegarderont ils leur félicité.

Et c'est de cette vision idyllique dont entre eux du Fail les fait disserter couchés "sous un large chêne".


Sont mis en scène quatre protagonistes bien en verve, choisis parmi les nantis du monde rural, et symboles d'une ancestrale sagesse portée par l'expérience de leurs ans. Du Fail nous les campe de quelques traits caractéristiques:


Défilent alors Maître Huguet, ancien maître d’école, puis vigneron et chantre au lutrin, beau parleur, qui connaît la vie et a quelques humanités, ce qui lui donne un relief particulier par rapport aux autres devisants. C’est lui qui est le plus prolixe, et des quatre devisants celui qui a la plus forte personnalité. Autour de lui, Pasquier, « un des plus joyeux luron qui soient à une journée de cheval d’ici », c’est celui de toute la bande qui a le plus tôt la main à la bourse pour donner du vin aux bons compagnons…
Lubin, « qui a une ceinture avec une boucle jaune, est un gros riche pataud de village assez bon paysan ». Quant à Anselme, « tenant à la main un petit bâton de coudrier dont il frappe ses bottes attachées avec des courroies blanches,…, il est l’un des riches de ce village, bon laboureur et assez instruit pour la campagne ».


Regrettant le siècle d'or, celui du bon roi François, ils brossent un tableau idyllique de la condition paysanne, vision toute personnelle de la manière dont du Fail considère ses robins et leur statut sociétal... Mais il est vrai aussi que la première moitié du XVIème siècle fut une période de relative prospérité pour la France et la vie rurale, ce qui a permis à ceux qui travaillent à la terre de bénéficier de conditions favorables, que notre gentilhomme campagnard n'hésite pas à qualifier de délices des champs...



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